Au XIXème siècle, voire au début du XXème siècle, il était
extrêmement fréquent, pour donner un petit coup de neuf à des bois dorés, de
recouvrir la feuille d’or (altérée ou parfois simplement salie) de bronzine. En
s’oxydant, celle-ci prend des couleurs du vert au brun foncé, en passant par un
brun plus clair : cela dépend des métaux utilisés et de leur pourcentage.
Et de ce que j’ai rencontré, en règle générale, ce vieillissement est
relativement homogène sur une même oeuvre, recouverte de la même bronzine.
Mais je suis récemment tombée sur deux os.
Tout d’abord, un tabernacle. (tabernacle à gradin, 1,7 m de haut sur environ
trois mètres de large)
Tout d’abord, fait rare, il avait reçu trois dorures au bol
successives… la dernière datant manifestement du XIXème siècle et de bien
piètre qualité. Mais l’histoire de ce pauvre tabernacle ne s’est pas arrêtée
là, tant son support, notamment, était altéré. Dans les années cinquante, M. le
curé, bien intentionné, a consolidé le bois et comblé ses lacunes avec du
plâtre. Puis, dans son élan, a entièrement recouvert la dorure de bronzine.
A première vue, j’aurais juré qu’il y avait deux bronzine
différentes. L’une, oxydée en brun orangé, relativement fine et laissant
deviner la feuille d’or sous jacente. L’autre… oxydée en brun verdâtre, et plus
opaque. Et bien sûr, de sensibilité légèrement différente aux solvants. La
première était principalement sensible à l’acétate d’éthyle, la seconde, plus
rétive à ce solvant, se solubilisait mieux au DMF. C’était donc une évidence,
M. le curé, manquant de bronzine, en avait acheté une autre, d’une marque
différente…
Pourtant, cette thèse n’a pas tenu le coup très longtemps. Si
la bronzine de départ avait été remplacée par une seconde bronzine de nature
différente, la limite entre les deux aurait été assez nette. Dans le cas
présent, bien des zones du tabernacle mêlaient les deux types de bronzine, les
coups de pinceaux semblant dans la continuité de l’une à l’autre… Et surtout,
partout où l’on tombait sur la bronzine verdâtre, se trouvait, entre celle-ci
et la dorure, une épaisse strate de peinture (à liant huileux) jaune foncé…
J’ai donc dû abandonner ma première hypothèse pour arriver à
celle-ci : les métaux de la bronzine se sont oxydés différemment selon
qu’elle se trouvait sur la dorure au bol ou sur la strate jaune à liant
huileux. Quant à la différence de sensibilité aux solvants… est-ce que ce sont
les différentes oxydations des métaux qui ont agi différemment sur le liant
huileux de la bronzine ? L’huile de la strate jaune sous-jacente aurait-elle
pu avoir une influence sur le comportement du liant huileux de la
bronzine ?
La bronzine passée directement sur la dorure - La bronzine passée sur la peinture jaune
à liant huileux
Echelle stratigraphique : dernière dorure au bol, peinture jaune, bronzine
Un coffre reliquaire(doré et polychromé, environ 50 cm de haut sur 45 de
large)
Dans ce cas, les dorures au bol ont été recouvertes de
dorure à la mixtion.
Puis, ultérieurement, des touches de bronzine ont été posées
localement, pour masquer notamment quelques usures de la dorure et des lacunes
d’apprêt. Là encore, on peut noter qu’une bronzine s’est oxydée en brun clair
et qu’elle est sensible à l’éthanol, l’autre (ou la même vieillie
différemment ?) en brun foncé, insensible à l’éthanol mais sensible
(quoique difficilement) au DMF.
Ici, faute de continuité, il n’y a pas moyen de corréler la contemporanéité de
ces touches de bronzine. De plus, s’il s’agit de la même intervention avec la
même bronzine, je n’ai par contre aucun début d’explication pour ce
vieillissement différent car nous sommes toujours sur la même strate
sous-jacente : une dorure à la mixtion… ???