Culture : un abandon suicidaire - Nouvel Observateur du 13 mars 2008

Culture : un abandon suicidaire

La politique culturelle de la France est en panne. Nicolas Sarkozy a terriblement déçu de ce point de vue, et cette panne est devenue la sienne. Une forte baisse du soutien de l'Etat menace aujourd'hui l'action culturelle dans tous les domaines, tandis que le ministère de la Culture, qui va pourtant fêter ses 50 ans, semble promis au démantèlement. La situation est alarmante et jette dans la mobilisation une part notable des professions de la culture.
Si cette politique est en panne, c'est d'abord parce que, chez Nicolas Sarkozy, la défiance culturelle est une pose revendiquée. La France a élu comme président un homme profondément méfiant à l'égard de la culture, peu cultivé lui-même et fier de l'être. Même la langue qu'il parle y est rebelle. Il s'agit aussi d'une stratégie délibérée. Constatant l'«échec de la démocratisation culturelle», malheureusement patent dès Malraux (les maisons de la culture n'ont pas survécu), puis Lang (le triplement du budget de la Culture n'a jamais eu les effets escomptés de ce point de vue), Sarkozy en profite pour s'attaquer à l'autre soubassement de la politique culturelle : les aides aux créateurs, les subventions aux institutions théâtrales, cinématographiques ou muséales. Sarkozy va plus loin que ses prédécesseurs, et ce qui est en ligne de mire est le soutien aux artistes et à la création. Cet abandon serait cependant suicidaire et catastrophique car il ajouterait une crise à une autre crise : à l'échec de la démocratisation culturelle s'adjoindrait l'abandon de l'aide aux créateurs. Après avoir fait le deuil de la culture pour tous, Sarkozy voudrait ainsi démanteler le soutien aux artistes, ce qui est pourtant la marque essentielle de la culture à la française depuis Louis XIV et Colbert.

Antoine DE BAECQUE
Auteur notamment de «Crises dans la culture française. Anatomie d'un échec», Bayard, 252 p., 19 euros.


Le Nouvel Observateur

Je suis navrée de constater, malheureusement comme d'habitude, que le "petit patrimoine", celui qui n'est pas dans les musées, n'existe pas chez les défenseurs de la culture avec un grand C. Mais que seraient les oeuvres de ces créateurs (avec un grand C), certes abandonnés, sans le travail de leurs prédécesseurs dans toute sa diversité?

Et si on prenait le temps de lui répondre ...

CHICHE!

Je vous soumets la réponse que j'ai envoyée au nouvel Observateur...

« Culture : un abandon suicidaire »… le titre est alléchant quand on se désespère de l’appauvrissement - dans tous les sens du terme - de la Culture dans notre pays.
Cependant, à la lecture de l’article – avec lequel je ne puis qu’être d’accord – je reste sur ma faim…

Oui le Ministère de la culture est démantelé, oui « les aides aux créateurs, les subventions aux institutions théâtrales, cinématographiques ou muséales » ont été largement amputées, mais jusqu’où faudra-t-il en arriver pour que les médias s’emparent de la situation du patrimoine ? J’entends par là non pas la sélection patrimoniale présentée dans les grands musées, mais tout le reste du patrimoine, celui que l’on trouve dans les petits musées de province, dans les églises et qui est parfois protégé au titre des Monuments Historiques.
Dans ce domaine de la culture, ignoré des médias, les problèmes foisonnent. Mais ne retenons que celui de l’abandon. Il a eu beau être dénoncé, et depuis longtemps, par toutes sortes de rapports , y compris en quelques lignes par le rapport de la cour des comptes , rien ne se passe, aucune mobilisation professionnelle ou médiatique.
Pour exemple en Midi-Pyrénées, en cinq ans, les budgets DRAC alloués à la restauration du bâti ont chuté de 100%, quant aux objets mobiliers, les subventions Etat ont été divisées par quatre…
La Culture, c’est la diversité, et c’est elle qui est ainsi taillée en pièce. La Culture, c’est la transmission, l’enrichissement par la création des anciens. Malgré la tendance actuelle, je persiste à croire qu’un artiste ne peut créer sa propre œuvre qu’après avoir digéré celle de ses prédécesseurs. De quoi se nourriront les créateurs quand une grande partie du patrimoine aura disparu, faute d’entretien, faute de budget ?
Oui, il est suicidaire d’abandonner la Culture – dans sa diversité.