LN
Nombre de messages : 2495 Date d'inscription : 12/03/2008 Age : 56 Localisation : Gaillac
| Sujet: Le poids des maux ... sans le choc des photos Jeu 12 Juin 2008 - 8:21 | |
| A …, le 5 novembre 1956
Le conservateur du Musée National du Château de ….
A Mademoiselle X, Conservateur du Musée de la Ville de …
J’ai l’honneur, en réponse à votre lettre du 3 novembre 1956, de vous faire savoir que la venue à … de Monsieur Y, restaurateur agréé des Musées Nationaux, m’a amené à m’occuper de nouveau de la grande peinture accidentée « Une chasse de Henri IV en forêt de Fontainebleau ».
A différentes reprises nous avons parlé ou avons échangé des lettres au sujet de cette peinture à laquelle, vous le savez, je porte un très vif intérêt. Je me permets des résumer ici les faits afin que vous en rendiez compte à Monsieur le Maire de … qui avait si aimablement consenti au dépôt au Musée national de cette œuvre dont l’intérêt historique est certain.
Lorsque en 1950-1951 j’ai eu l’occasion d’étudier sommairement cette grande toile, elle était exposée dans la grande entrée du Parlement de Navarre. La peinture était presque entièrement soulevée et se détachait du support ; à chaque ouverture de porte ou passage de visiteurs quelques fragments tombaient à terre. Cette situation m’a alarmé d’autant plus vivement que des travaux s’effectuaient alors dans la pièce voisine de l’entrée.
Après échange de coups de téléphone avec l’Inspecteur des Musées de Province l’envoi de la toile dans l’atelier de restauration du Louvre a été décidé. Cette tentative de sauvetage a, hélas !, très mal tourné. Pour l’encollage du papier sur la toile un entrepreneur palois novice en la matière avait usé d’une colle beaucoup trop forte. Arrivée à l’atelier de restauration la peinture a subi de nouveaux accidents dus au mauvais état des locaux (inondation – variations brusques de température). Une transposition a été tentée qui a été recommencée plusieurs fois. Au terme de ces opérations longues et désespérées nous nous sommes trouvé en face d’une ruine. L’œuvre ne peut plus être exposée.
J’ai de nouveau envisagé diverses solutions avec Monsieur Y. La solution de repeindre presque entièrement la toile me paraît à proscrire. Je vais en demander le retour et la conserverai roulée dans mes réserves.
Avec cette peinture j’estime que vos collections perdent une œuvre importante. Je souhaite avec vous que la Direction des Musées nationaux la compensent en attribuant ou en déposant dans votre beau musée une peinture ou un objet de qualité. Je suis bien entendu à votre entière disposition pour intervenir à ce sujet dans le sens que vous voudrez bien m’indiquer.
J’ai eu moi-même l’occasion de voir cette « ruine » en 2002 pour en dresser le constat d’état (du moins de ce qu’il reste) et ai de la tendresse pour Monsieur Y ainsi que son prédécesseur qui a tenté la transposition. Je les ai d’ailleurs maintes fois croisé depuis que j’exerce. La lecture du dossier d’œuvre fait état de combats acharnés pour sauver cette toile dans des conditions de travail difficile (toiture qui fuit, table non disponible…). Il me semble parfois que pas grand chose ne change sous le soleil ! | |
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