Cher CM,
Merci pour ce post. C’est avec attention que j’ai donc lu ce texte (m’arrêtant toutefois à sa première partie dans un premier temps).
Si je partage les grands principes énoncés que sont la moindre intervention, la connaissance de l’objet, l’étude, la réversibilité et la transparence (je fais schématique et sans latin), je reste plus que dubitative sur le NIP pour en pas dire en désaccord avec cette notion.
Selon l’auteur, le NIP (Niveau Potentiel d’Information) d’un objet est à son maximum (c'est-à-dire : 100 %) lorsque l’objet est neuf. J’aurais donc tendance à interpréter ce « neuf » comme le moment de la fin de la création (ou de la réalisation). Toujours selon l’auteur, cette valeur ne cesse de décroître avec le temps. Et là moi je commence à coincer.
Pour prendre un objet proche de l’article, je prendrais pour exemple un livre. Sorti de l’imprimerie à sa première édition, ce livre serait donc à 100 % de NIP. Acheté par M. X qui le laisse négligemment posé sur la table du salon, son rejeton colorie quelques pages rendant partiellement illisible le texte. Effectivement nous avons là une dégradation de l’objet. Mais si un autre exemplaire de même livre est acheté par M. Y que l’histoire retiendra comme un grand homme et que ce dernier annote abondamment l’ouvrage, considèrera-t-on ces « gribouillis » comme une dégradation. Ses ajouts, bien que dénaturant physiquement « l’original » transforme certes l’objet initial mais viennent lui ajouter « le poids de l’histoire » donnant ainsi une valeur nouvelle (et parfois donc « supérieure » à l’objet). Dans le premier cas, le restaurateur s’emploiera à supprimer les coloriages de l’enfant, dans l’autre les annotations seront pieusement conservées. Evidemment, la pertinence de la décision ne peut être jugée qu’à un moment donné, car si l’enfant qui a colorié devient lui aussi un grand homme et qu’au moment de restaurer le livre personne ne le sait…
Je prends évidemment là un exemple avec un objet manufacturé, de série mais l’on peut décliner avec des pièces uniques. Que penser alors du Clavecin de Ruckers ravalé par Taskin ? Où placer le NIP pour les fresques de la Sixtine alors que les nus de Michel-Ange ont été rhabillés pour certains par « Il Braguetone » (après que Michel-Ange ait lui-même recouvert le ciel étoilé de Botticelli – si ma mémoire est bonne).
Il me semble que le point « zéro » n’existe pas et qu’il faut bien se garder de réfléchir en matière de conservation-restauration sur la stricte date de création de l’objet.
Parmi les règles que la profession s’est donnée, je me permets de rappeler celle qui consiste à « intervenir directement sur les biens culturels endommagés ou détériorés dans le but d’en faciliter la lecture toute en respectant autant que possible leur intégrité esthétique, historique et physique *». Dans cette phrase il ne faut donc pas oublier les termes « autant que possible » car malgré notre bonne volonté, notre connaissance est souvent limitée lorsque nous avons à intervenir. Il ne faut pas oublier non plus que les objets qui nous sont confiés, ont souvent eu une histoire matérielle complexe et bien s’interroger sur le sens du terme « intégrité ».
* Règles professionnelles d’ECCO – I.I. Rôle du conservateur-restaurateur – 11 juin 1993.