Une loterie pour financer la restauration du patrimoine
Adrien Goetz
Le Figaro, 15/01/2009
Les 100 millions d'aides pourraient être financés par les recettes d'un nouveau jeu de La Française des jeux.
Où vont aller les 100 millions d'euros annuels que Nicolas Sarkozy a promis au ministère de la Culture pour aider à restaurer et à valoriser le patrimoine, portant ainsi à 400 M€ par an le budget de ce secteur si cher aux Français ? Dans son discours, le président de la République a mentionné en premier le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France : les manuscrits et trésors conservés dans ces bâtiments vétustes au cœur de Paris demeurent à la merci d'un court-circuit. Il a évoqué ensuite, dans la version écrite du texte, un point qu'il n'a pas mentionné oralement : les travaux des nouveaux bâtiments des Archives nationales à Pierrefitte. Ces deux chantiers capitaux seront accélérés grâce à ces 100 M€ qui, selon Christine Albanel, pourraient bénéficier des recettes de La Française des jeux, qui lancerait pour l'occasion un nouveau jeu de «grattage». Celui-ci pourrait être mis en place avant l'été. Les recettes restent cependant difficiles à évaluer : entre 25 et 50 M€ peut-être.
Les monuments qu'il faut aider en priorité ne sont pas énumérés dans le discours de Nîmes. Le chef de l'État a fixé quelques axes : les «grands monuments emblématiques», les cathédrales et les abbayes et le patrimoine des petites communes. Le besoin de financement de travaux sur les monuments historiques dépasse aujourd'hui 10 milliards d'euros, selon le «Rapport sur l'état du parc monumental français» établi par le ministère de la Culture en décembre 2007 - soit 3 milliards de plus qu'en 2002.
Le 17 septembre 2007, inaugurant la Cité de l'architecture et du patrimoine, Nicolas Sarkozy a dit : «Il ne sert à rien d'être fier de notre patrimoine français et de continuer à mégoter pour l'entretenir.» Du côté du Centre des monuments nationaux on se réjouit de cette annonce.
Les travaux de rénovation du château d'Angers, après l'incendie de dimanche dernier, s'élèveront à 4 M€ selon l'avis de l'architecte en chef des Monuments historiques, au lieu des 2 M€ d'abord annoncés. Surtout, deux monuments majeurs sont aujourd'hui en péril. Le Panthéon, dont les travaux de couverture sont estimés à 12 M€, la restauration de la colonnade à 8,30 M€, en attendant la restauration intérieure, qui devrait coûter 42 M€ et les indispensables travaux de structure. Au total, l'investissement est de 82 M€, il aura lieu en plusieurs tranches.
Partout des urgences
Autre urgence absolue : la basilique de Saint-Denis, dont le portail occidental avec sa grande rose ont un urgent besoin de travaux, qui ne sont pas encore programmés. Partout en France, les monuments appartenant à l'État attendent des secours : le château de La Motte-Tilly, merveille du XVIIIe siècle, la tour de la Lanterne à La Rochelle, le théâtre antique de Sanxay, le Trophée d'Auguste, à La Turbie, les toitures du château de Maisons, le cloître et l'ermitage Saint-Pierre de l'abbaye de Montmajour, la façade et les couvertures des bas-côtés du monastère de Brou, et même, au Mont-Saint-Michel, qui semble en bon état, la mise aux normes des installations électriques doit être accélérée…
En France, un cinquième des monuments classés est en péril. L'État n'en possède qu'une partie. Ce sont des églises, des châteaux, dont les propriétaires, collectivités locales ou privés, ne peuvent plus attendre. Lors de son discours de Nîmes, Nicolas Sarkozy a cité les petites communes rurales de Lozère, devant quelques élus venus en voisin et ravis. Le patrimoine vernaculaire, les lavoirs, les calvaires ruraux, les moulins mais aussi les édifices du patrimoine du XXe siècle, souvent déjà très dégradés, ne sont souvent défendus que par des associations que les maires n'écoutent guère. De nombreux édifices présentent des dangers pour les visiteurs - sans parler de la question de l'accessibilité aux publics handicapés.
Enfin, le patrimoine, ce n'est pas seulement des pierres : qui se soucie de sauver les bobines de film acétate des années 1950 à 1970 stockées dans l'humidité du fort de Saint-Cyr ? Le film, c'est aussi l'histoire de France. Un dossier qui pourrait intéresser Marin Karmitz…