ATELIER 1
« DE LA CONNAISSANCE A LA SENSIBILISATION DES PUBLICS ET DES ELUS »
Présidente : Hélène BRETON, Vice présidente Culture, région Midi-Pyrénées
Modérateur : Jean ren ETCHEGARAY, Maire adjoint, Ville de Bayonne
Rapporteur : Fabrice Thuriot, Enseignant chercheur, Université de Rennes
Il a été essentiellement question dans cet atelier de l’inventaire et de ses objectifs, non seulement comme se rattachant à l’ordre de la connaissance, pour la protection, mais aussi comme outil pouvant servir dans le cadre de projets d’aménagements urbains.
Marie-Annick BERNARD-GRIFFITH (absente, représentée par Mme Bernard), Directrice du Développement culturel et sportif, Région Limousin.
Le communicant commence par deux rappels :
. Les inventaires : compétence qui a été transférée aux Régions avec l’Etat qui reste présent en tant que « gendarme contrôleur »,
. L’inventaire doit être avant tout un outil de connaissance.
Elle met l’accent sur six différents points :
. L’inventaire est un outil d’aménagement du territoire.
Il est une ressource pour le tourisme, une ressource documentaire et iconographique.
L’inventaire doit être pensé en fonction de ce que l’on compte en faire (cahier des charges).
. L’inventaire est un outil de partenariat entre communes, pas de tutelle d’une commune sur l’autre. 1/3 du territoire seulement fait l’objet d’un inventaire en Limousin.
. Mission de sensibilisation et de pédagogie auprès des publics.
L’édifice ne suffit plus par lui-même.
. Un dialogue avec l’Etat est nécessaire pour contribuer à un meilleur fonctionnement.
. Mission de conseil :
L’inventaire doit servir d’éclaireur pour les régions. Certains inventaires méconnus doivent être diffusés.
. Elargissement du champ de la connaissance.
La région Limousin a fait deux opérations de communication :
. diaporama pour les JDP,
. document « Les inédits du Patrimoine ».
Le transfert aux Régions est la meilleure chose qui soit arrivé. Dans une évolution naturelle, elle doit être aussi développeur.
Dominique MASSON, chef du bureau de la protection des espaces – Ministère de la Culture et de la Communication – DAP
Après la création par A. Malraux de « l’Inventaire général » (reconnaissance de valeur historique et scientifique) l’inventaire aujourd’hui occupe une place dans les politiques d’urbanisme et d’aménagement.
L’inventaire doit correspondre à des objectifs définis en amont, et ses méthodes doivent s’adapter aux usages que l’on en attend (connaissance, promotion touristique, urbanisme…) Il revêt une dimension juridique - tout en n’étant pas en tant que tel « opposable au tiers » - dans le domaine de l’aménagement et de l’urbanisme (espaces protégés) et doit prendre en compte les PLU, ZPPAUP etc… (plan local urbanisme – zone protection patrimoine architectural urbain et paysager)
D’où la nécessité pour l’évaluation du patrimoine bâti de considérer l’ensemble urbain, les aspects sociaux économiques, et les capacités de conservation en fonction de l’état sanitaire et pas seulement une évaluation scientifique (immeuble par immeuble)
La réussite de la démarche sera dépendante des conditions d’un partenariat, en privilégiant une approche pluridisciplinaire.
Il y a eu transfert des compétences mais l’Etat n’est pas totalement dépossédé. Il reste responsable des textes, il fournit les outils juridiques.
Il est important d’insister sur son rôle de conseil scientifique qui permet de garantir une certaine homogénéité sur le territoire.
Aujourd’hui, le patrimoine est une réalité sociétale, un vecteur économique. Il fait partie de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme. Il est vecteur de développement durable.
L’inventaire doit servir à l’élaboration de documents d’urbanisme. Il permet une mise en œuvre opérationnelle et sert de base à la maîtrise d’œuvre (restauration).
Un inventaire doit être appliqué :
. au départ, l’inventaire doit être systématique et non sélectif,
. il doit être pondéré (contexte urbain donné de l’immeuble ; évolution),
. il doit être à géométrie variable,
. l’inventaire doit être préalable à la classification des immeubles et à la gestion dans le temps,
. l’inventaire est conjoncturel : il dépend des choix politiques.
Cet inventaire est différent de l’inventaire scientifique même si la méthodologie reste la même, le vocabulaire commun et la datation scientifique.
Le contenu doit être opérationnel car on débouche sur la prescription de travaux.
Limites : l’inventaire ne peut pas traiter l’intérieur d’immeubles, ni les matériaux.
Dans un secteur sauvegardé, on peut tout réglementer (intérieur, matériaux …) mais système lourd et qui ne peut pas être utilisé partout.
Les inventaires préalables sont nécessaires. L’Etat ne veut pas être un censeur mais il garde un droit de regard.
Gérard DUCLOS, Maire de Lectoure
A la demande de Monsieur Malvy, Lectoure est inscrite comme ville pilote dans l’inventaire.
Il s’agit d’élaborer une démarche dans l’inventaire « exportable » donc utilisable en d’autres lieux.
L’inventaire doit être un outil de développement économique fort.
Savoir expliquer aux administrés pourquoi et à quoi il sert (culturel mais aussi social).
Le principe : - convention Lectoure Région
- recrutement pour trois ans d’un technicien
- achat matériel financé à 50%
- travail avec service urbanisme de Lectoure, formation du personnel, résultats consultables
Lectoure s’est doté d’une ZPPAUP mais n’est pas en Secteur Sauvegardé.
L’inventaire réalisé, quelles suites vis à vis des administrés, hormis raconter l’historique des immeubles ?
Quid du conseil (travaux de restauration après achat ?)
Quid de l’avenir (si on laissait faire des mutilations ou des destructions du patrimoine dont le seul témoignage ne serait plus que l’inventaire ?)
L’élu souhaite la réalisation d’une fiche urbanistique de préconisations à côté de la fiche historique. Question : comment deviendront-elles opposables aux tiers ? (hors secteurs sauvegardés)
L’inventaire doit exister, il est indispensable dans la gestion des centres anciens, il doit être global et opposable aux tiers.
Importance de l’inventaire dans la gestion des centres anciens qui se veulent modèle de développement durable.
Patrick DESCHARLES, Maire adjoint de St Léonard en charge de la culture et du patrimoine
Le travail mené sur cette commune, sur la base de données Mémoire, Mérimée, Palissy et du plan cadastral de l’inventaire, a permis de définir l’utilité d’élaboration d’un secteur sauvegardé, en confrontant la réalité du moment par rapport à un descriptif ancien.
Tâche pas évidente pour une petite commune dépourvue de service d’urbanisme, qui s’est faite en collaboration avec la DRAC, la Région et des associations locales d’érudits.
Véronique GERMAIN, directrice de l’Urbanisme et de l’Aménagement – Ville de Colmar
Expose à partir de deux exemples – Avignon et Colmar – les besoins en inventaire pour la mise en place de secteurs sauvegardés.
Valeur de mémoire : connaissance, conservation du patrimoine
Valeur d’usage : guide de travaux
L’inventaire est défini comme un outil pour inscrire le patrimoine dans l’espace contemporain et futur.
Exemple de la maison Cappeau de Saint Marc à Avignon : la fiche d’inventaire mentionnait une salle de bain datant de 1910. Cet immeuble devait être vendu à un américain qui souhaitait démonter la salle de bain et l’emporter. Grâce à cet inventaire, la vente a pu être stoppée et la salle de bain sauvée.
D’où l’importance d’un inventaire même s’il est incomplet ; il faut toujours continuer à le compléter.
Anne Laure MONIOT, architecte, chef de projet, mission recensement du paysage architectural urbain
Exposé de la démarche menée à Bordeaux consistant en l’élaboration d’un inventaire exhaustif des architectures sur un tiers de son territoire pour une politique de conservation de restauration et de rénovation.
Cet inventaire appelé « recensement » est au service du plan local d’urbanisme. Volonté de prendre en compte le Patrimoine dans ce plan d’urbanisme.
Cet inventaire produit une connaissance servant à des dispositions réglementaires intégrées au PLU, élaborées en lien avec les urbanistes, associant patrimoine et développement urbain. Le recensement est mené à la direction de l’aménagement urbain par une équipe (assistée d’un expert : A. Mélissinos)) comprenant un historien, des architectes et des techniciens.
Ce projet fait l’objet d’une convention entre la Ville, La DRAC et le service régional de l’inventaire.
Rappel de l’article 11 : restaurer, remplacer ou modifier sans altérer. Mais, on ne peut pas mentionner les matériaux dans un plan d’urbanisme. D’où la nécessité de faire de la communication pour sensibiliser le public :
Edition des « Carnets d’une ville en héritage ».
Antoine BRUGEROLLE, Architecte du Patrimoine
3 étapes dans l’inventaire :
. identification du Patrimoine,
. qualification,
. prescription.
Le mot Patrimoine est à entendre au sens large (sites naturels …).
L’inventaire est un outil de travail qui doit être opérationnel et s’adapter au sujet. Outil de gestion, de formation, de connaissance mais aussi de communication afin d’aller vers la population pour qu’elle accepte le règlement.
Alexandre MELISSINOS, Architecte urbaniste, enseignant au CEDHEC
Nous assistons à une régression des moyens. On veut faire plus avec moins, c’est donc l’étude qui paie les pots cassés. Cela a un effet sur la connaissance et on peut perdre des bâtiments par un manque de connaissance et de culture des personnes qui mènent les travaux.
Importance de la formation du personnel qui fait les études et qui les lit.
L’inventaire est « l’unité élémentaire » du recensement patrimonial. Le recensement ne peut être qu’exhaustif.
Posture qui nous distingue des gens de l’inventaire : nous devons comprendre l’évolution et la transformation. Un centre ancien est un lieu complexe, chaque bâtiment a sa spécificité (pas deux bâtiments identiques).
Transparence et respect du droit : les servitudes imposées aux gens sont souvent incomprises. Le fichier à l’intérêt de nous obliger à faire une prescription, à voir si cette prescription est répartie de façon identique. Oblige l’architecte à expliquer le pourquoi, à expliciter les critères.
Le document d’inventaire doit être approprié par celui qui l’utilise. Pas de fiche-type mais les termes de vocabulaire doivent être rigoureux (restaurer, restituer …).
Contre l’opposabilité de la fiche car il est difficile de savoir ce qui sera important ou faisable dans 5 ou 10 ans. La fiche vient comme explication, justification, des dispositions et servitudes.
Problème actuel : la découverte fortuite n’existe plus car si le bâtiment n’est pas inventorié, on ne peut pas faire de sondage. Tout ce qui n’est pas inventorié n’existe pas.
Autre problème : au niveau architectural, on ne considère que l’extérieur du bâtiment (l’emballage !) et pas l’intérieur.
Nous sommes le seul pays d’Europe où l’on ne peut pas prescrire les matériaux ! Pour l’Etat, la tromperie vaut la chose !
Il faut sauvegarder l’indépendance de celui qui évalue le Patrimoine : exemple de Bordeaux (système de coopération entre la ville et le chargé de mission qui vient de l’extérieur).
Marie-Hélène BLOCH, Animatrice de l’architecture et du patrimoine, VAH Besançon
Lien entre Patrimoine et usager ; importance de la transmission au public.
Ex : Besançon, ville d’art et d’histoire depuis 1986.
Développement du tourisme culturel. Edition de documents grand public.
« Raconte-moi … », « Laissez-vous conter … », documents édités en plusieurs langues et remis à titre gracieux.
Formation d’une équipe de conférenciers.
Mise en place d’une signalétique patrimoniale.
Mise en place d’une base de données.
Restitution de l’atelier : Fabrice Thuriot, Enseignant chercheur, Université de Rennes
Monsieur Thuriot livre les points essentiels de cet atelier :
- Le caractère opérationnel de l’inventaire avec des connaissances spécifiques préalables en amont ;
- Les enjeux que sont l’urbanisme, le tourisme, le développement durable
- L’inventaire : élargissement des missions de base des services régionaux liées aux exigences scientifiques et techniques de l’Etat ;
- M. Masson a parlé d’un « inventaire appliqué » : systématique, exhaustif, pondéré, à géométrie variable, conjoncturel et avec des prescriptions
- L’implication des associations dans la connaissance du patrimoine local et un langage commun facilitant la diffusion des connaissances
- Les pans d’urbanisme avec prescriptions patrimoniales (ZPAUP)
- L’élaboration de fiches permettant de préciser l’état d’un bâtiment ; pour les architectes, les fiches sont primordiales pour éviter la subjectivité des choix ;
- Les fiches ont une valeur de mémoire, d’usage
- Il existe une différence entre inventaire et recensement, entre exhaustivité et détails
- La sensibilisation permet la formation et les compétences en région
- L’archéologie est un passé plus lointain mais à prendre en compte.
M Masson précise qu’il ne faut pas rendre les fiches opposables et que l’inventaire peut donner lieu à une désignation du patrimoine. L’exhaustivité n’existe pas et tout ce qui n’est pas désigné n’existe pas.
M Rouger rappelle la mise à jour régulière.
Un représentant de la Ville de Bayonne évoque le débat sur a réforme des « niches fiscales » et du plafonnement mis en place par Malraux, qui sont actuellement mis à mal par le gouvernement ; il engage tout un chacun à faire pression pour que perdure un outil financier indispensable.