Quand la réalité dépasse la fiction.
Cloé est assise sur une chaise en plastique. Dans le décor sordide d’une cuisine éclairée au néon, elle annonce nonchalamment à son père dépité que la jolie bimbo qu’il a choisi pour future épouse a l’intention de l’assassiner sans délai dès la cérémonie terminée.
Cette délicieuse scène d’intimité familiale fait partie de la nouvelle génération des programmes baptisés « scripted reality » qui vont envahir notre univers télévisuel. Décors cheap, éclairage de sacristie, direction d’acteur digne d’un spectacle de fin d’année de MJC, voici les fictions « low coast » tirées des faits divers les plus sinistres.
Vous vous demandez sans doute quel est le rapport entre cette nouvelle téléréalité hard discount et le patrimoine ? Et bien aucun. A un détail près. Le petit détail qui change tout. L’argent.
Car si le coût de ces programmes est à l’image de ceux aujourd’hui pratiqués dans certains appels d’offre en restauration, c’est-à-dire divisés par deux ou trois, les producteurs espèrent bien bénéficier des largesses du CNC via l’aide à la création. En d’autres termes des budgets du Ministère de la Culture. Et l’enjeu est énorme : une enquête du journal La Tribune estime que cela pourrait représenter 8 à 10% du coût d’un épisode. Comble de l’ironie cela pourrait permettre aux chaînes (et parmi elles évidemment les chaînes publiques) d’intégrer ces petits bijoux du bon goût et de l’élégance dans les quotas de production et de diffusion « d’œuvres françaises originales ».
Vous me direz, à juste titre, que cela ne nous concerne en rien. Que les aides du CNC ne regardent que lui. Mais l’on peut quand même s’interroger, au moment où le chef de l’Etat vient de déclarer publiquement « que l’on peut dépenser moins mais mieux », sur la manière dont sont utilisés les fonds publics. Est-il pertinent, alors que le budget global du ministère de la culture est en baisse de 2,3%, d’imager financer de telles « œuvres » ? Si l’on peut comprendre que la crise économique nous contraigne à maîtriser nos dépenses, il n’est pas illégitime de s’interroger sur leur juste répartition. Rappelons par exemple que sur les 7,363 milliards d’euros du budget de la culture, seuls 322 millions d’euros sont consacrés aux monuments historiques, alors que tous les rapports parlementaires évoquent le chiffre minimum de 400 millions d’euros nécessaire aux stricts entretiens du bâti. Soit moins de 5 % du budget global ! Mieux, il vient de baisser de 19,5% pour 2013. Sans doute trop.
Il paraît que la France n’aurait plus les moyens d’entretenir son patrimoine. Trop d’églises, trop de musées, surtout pour des collectivités surendettées. C’est en tout cas en ces termes que nombres de journalistes posent le problème, notamment lors des journées du patrimoine. Mais que pensent-t-ils des 3,8 milliards d’euros d’aide à l’audiovisuel public ? Et des 516 millions d’aides à la seule presse ?
Alors oui je pense que malgré tout ce financement public nous regarde. Pas simplement parce qu’il risque de décérébrer un peu plus nos pioupious mais parce que malgré tous les discours lénifiants des différents ministres de la culture, nous serons in fine affectés par ces dépenses. Comme nous l’avons été lorsque, par manque de courage des politiques lors de la renégociation du statut des intermittents du spectacle, nous avons vu nos budgets drastiquement amputés.
Si l’on peut dépenser moins mais mieux, alors je vous le dis, moi j’ai quelques suggestions à soumettre …