Encore des failles dans la gestion du Louvre
Cécile Crouzel, 13/03/2009, Le Figaro.fr
En progrès mais peut mieux faire : tel est, en substance, le jugement porté par la Cour des comptes sur le Musée du Louvre après un examen approfondi de sa gestion. D'après le document provisoire que Le Figaro s'est procuré, le musée affiche de belles réussites : la fréquentation est passée de 6,1 millions de visiteurs en 2000 à 8,3 millions en 2007, et le taux d'ouverture des salles atteint 90 %, contre 78 % en 2002. Le Louvre peut s'appuyer désormais sur un mécénat considérable. En tout, les recettes privées représentent près de la moitié de son budget.
Reste tout de même quelques points noirs. Le document de la Cour souligne ainsi les dysfonctionnements générés par les mauvaises relations entre l'établissement public du Musée du Louvre, à qui ce statut confère une relative autonomie, et ses principales autorités de tutelle, la Réunion des musées nationaux (RMN) et le ministère de la Culture. Ainsi, alors que la RMN éditait un fascicule d'aide à la visite à 15 euros, Le Louvre a décidé de lancer un livret concurrent, à 12 euros. Le RMN a alors aligné son prix, avec au bout du compte une division par quatre de son bénéfice sur ce produit. Autre exemple, il existe deux équipes de photographes au Louvre, une dépendant du musée et l'autre de la RMN…
Des inventaires peu fiables
Le document de la Cour des comptes signale surtout que, de 2003 à 2007, les charges de personnel sont passées de 62 millions à 89,7 millions, soit une hausse de 44 %. D'après ses auteurs, sur les 378 emplois créés entre 2002 et 2007, 94 ne sont justifiés ni par les nouveaux projets (Louvre d'Abu Dhabi et de Lens, département art de l'Islam) ni par l'amélioration de l'accueil du public. Un chiffre contesté par le Louvre. En outre, le coût moyen d'un employé est passé de 33 861 euros en 2003 à 41 985 euros en 2007. Pour les contractuels, la masse salariale a même bondi de plus de 40 % en quatre ans. «Nous avons subi une forte hausse des cotisations retraite. Et nous avons dû recruter du personnel de haut niveau pour le mécénat et nos opérations internationales», explique Didier Selles, administrateur général du Musée du Louvre. Et de souligner que, lors des 90 derniers mois, le musée n'a connu qu'une journée de grève. La Cour note l'amélioration du climat social, mais indique aussi que la subvention du musée à une association de loisirs du personnel est passée de 168 608 euros en 2000 à 560 000 euros en 2008.
D'après les magistrats de la Rue Cambon, «les comptes du musée ne sont pas, en l'état, certifiables». Principal point noir : l'immobilier, mal comptabilisé. «L'examen de la Cour s'est terminé en juin 2008. Or, en février 2009, nous avons achevé notre inventaire immobilier», se défend Didier Selles. Quant à l'inventaire des œuvres, les méthodes sont «trop variables et trop peu formalisées», si bien que la valeur ne peut être «qu'indicative», selon la Cour. «C'est un travail de titan», réplique Didier Selles. En conclusion, la Cour pose une question cruciale : le Louvre sera-t-il en mesure de fournir l'extension à Lens (Pas-de-Calais) et le projet d'Abu Dhabi sans trop appauvrir Paris et mettre en danger l'équilibre que le musée a réussi à trouver ?