Quinze idées neuves pour sauver les monuments historiques, Le Figaro.fr, 20 juin 2008

Quinze idées neuves
pour sauver les monuments historiques
Marie-Douce Albert
20/06/2008 |


L'association Vieilles Maisons françaises interpelle les pouvoirs publics sur la gestion et l'entretien des richesses historiques françaises et appelle à une nouvelle politique ambitieuse.
Vieilles Maisons françaises est une institution. L'association de défense du patrimoine, qui regroupe 20 000 adhérents, fête cette année ses 50 ans. Le mouvement en a donc profité pour mesurer l'attachement de la population à la cause qu'elle défend (voir ci-contre). Vieilles Maisons françaises a également décidé d'interpeller les pouvoirs publics sur ce qu'elle considère comme « un blocage très inquiétant de la politique publique du patrimoine » , explique son président, Philippe Toussaint.
Alors que, mercredi, la commission des affaires culturelles du Sénat appelait à la « vigilance » sur les financements en la ma¬tière, VMF s'inquiète en effet de l'assèchement des crédits alloués aux monuments français, rappelant que ne sont pas seulement concernées les quelques centaines de merveilles gérées par l'État mais que 40 000 édifices sont protégés en France.
« Il est temps de faire comprendre qu'avoir du patrimoine n'est pas un fardeau. C'est un outil de développement économique, et ce ¬secteur représente près de 500 000 emplois non délocali¬sables », remarque Philippe Toussaint. Le responsable déplore encore la confusion qui règne dans la gestion du paysage français, du fait de l'intervention de multiples administrations. Partant de ces constats, l'association a donc adressé hier à Christine Albanel une liste de 15 propositions en quatre chapitres pour « une nouvelle politique du patrimoine globale et ambitieuse ».
De nouveaux financements. Alors que la tendance générale est à la baisse des dépenses publiques, VMF entend mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités. Il estime qu'une augmentation des ressources est nécessaire et propose de créer une recette assise sur les jeux de hasard, comme c'est le cas en Grande-Bre¬tagne. Ce qui pourrait, selon elle, rapporter les 90 millions d'euros nécessaires par an.
L'association estime que l'État a accumulé avec ses opérations de travaux une dette dont le montant pourrait équivaloir à une année entière de crédits de paiement pour l'entretien et la restauration du patrimoine. Pour apurer cette dette, elle propose d'utiliser une recette exceptionnelle tirée de la privatisation d'une participation ou d'un équipement public.
Alors qu'il n'est peut-être plus question de plafonner la « niche fiscale » sur les monuments historiques, VMF estime de toute façon que la propriété d'un édifice classé ne constitue aucunement une telle niche. Elle demande donc que le régime fiscal les concernant soit conforté et que la déductibilité globale des travaux soit maintenue.
Considérant enfin qu'un bâtiment correctement entretenu nécessitera ensuite moins de travaux lourds, VMF réclame des subventions publiques renforcées pour la maintenance des édifices.
En revanche, sur ce volet financier, VMF ne réclame pas de nouvelles mesures en faveur du mécénat, estimant « que la législation est aujourd'hui excellente », selon Philippe Toussaint. Il ajoute que « tout ne peut pas passer par le mécénat » , comme en réponse aux propos tenus par la ministre de la Culture, hier, lors du lancement de la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle (voir ci-dessus).
Une meilleure coordination. Pour plus de cohérence, VMF appelle tout d'abord à une meilleure coordination de toutes les actions relatives à l'aménagement du territoire. Pour l'association, la politique du patrimoine doit intégrer urbanisme et environnement mais aussi développement durable. Plus spécifiquement, l'association réclame que les bâtiments anciens ne soient pas soumis aux mêmes normes d'économies d'énergie que les édifices neufs. VMF veut également que les éoliennes soient désormais considérées comme des installations industrielles et demande un vrai bilan de leur efficacité.
Former au patrimoine. VMF réaffirme la nécessité d'éduquer les enfants au patrimoine mais aussi de former les élus. Dès le début de 2009, l'association lance d'ailleurs pour ces derniers des formations avec la Cité de l'architecture et du patrimoine.
Soutenir les professionnels. VMF rappelle que les entreprises spécialisées dans le patrimoine sont fragiles et que leur disparition peut entraîner une grande perte de savoir-faire. Elle demande donc qu'un plan de relance et de valorisation des métiers d'art soit défini. Enfin, ultime proposition, VMF réclame le renforcement des moyens de lutte contre le vol de des œuvres d'art. Philippe Toussaint suggère ainsi que la France profite de sa présidence de l'Union européenne pour travailler à l'harmonisation des législations sur le recel et la restitution.

Je signale que "La Tribune de l'art" a déja apporté son soutien à ces 15 propositions des VMF.

Quinze propositions des VMF pour une politique nouvelle du patrimoine
21/6/08 – Patrimoine – Face au désastre patrimonial qui se profile, au désengagement financier de l'Etat et à l'indifférence des pouvoirs publics pour la sauvegarde des monuments historiques, l'association des Vieilles Maisons Françaises lance quinze propositions très concrètes.
Il est inutile de détailler celles-ci puisqu'elles le sont de manière très claire et argumentée dans le document que nous publions ici. Celles-ci sont classées en quatre catégories : définir une politique globale du patrimoine qui intègre urbanisme, environnement et développement durable ; dégager les ressources financières nécessaires ; informer et former au patrimoine ; renforcer la protection et le soutien au patrimoine.
Soulignons, au rebours de ce qui se fait actuellement, que l'association propose que le régime fiscal des Monuments Historiques soit maintenu. Contrairement à ce que prétend le Ministre de l'Economie, Christine Lagarde, les déductions d'impôts prévues à cet effet ne sont évidemment pas des niches fiscales mais une manière pour l'Etat d'aider les propriétaires privés à restaurer un patrimoine qu'il serait bien en peine de sauvegarder. En suggérant d'organiser une formation des élus et des responsables administratifs territoriaux aux enjeux liés au patrimoine, les VMF font également une proposition de simple bon sens. On pourrait d'ailleurs rajouter à cette liste les membres du clergé, souvent totalement étrangers à la conservation du patrimoine des édifices religieux. Toutes les autres propositions sont de la même pertinence, comme l'application aux éoliennes (dont certaines peuvent aller jusqu'à 150 mètres de hauteur) de la règlementation des installations industrielles, ou la lutte contre le mitage et le développement urbain anarchique.
La Tribune de l'Art soutient l'ensemble de ces propositions. Espérons que le Ministère de la Culture y répondra favorablement.