L’Aventurier des Archives PerduesJ’aurais du me méfier. Surtout quand elle a pris sa grosse lampe torche pour aller voir le tableau. D’ordinaire j’ai un léger picotement le long de ma colonne vertébrale qui m’alerte du danger. Ca aurait dû se produire quant on a monté l’escalier. Je dis escalier mais un escalier c’est constitué de marches et contremarches. Là, c’était surtout des marches et des trous.
J’ai vraiment pris conscience de l’aventure qui m’attendait lorsque nous sommes arrivés au grenier. On aurait dit Fukushima. En pire. Les planchers étaient éventrés, les plafonds en lambeaux et le capharnaüm indescriptible. J’avais l’impression d’être Indiana Jones, en pleine jungle, à la recherche du Temple maudit. Je suivais la secrétaire de mairie en prenant bien soin de mettre mes pas dans les siens. Au cas où. En traversant la première pièce elle m’a désigné d’un geste vague ce qu’elle a appelé « la salle d’archive ». Et aussitôt d’ajouter :
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« Ne faites pas attention. C’est provisoire. »C’est marrant comment certain mot destiné à vous soulager produisent exactement l’effet contraire. J’étais trop concentré à suivre avec attention le parcours dessiné par ses pieds pour répondre, lorsqu’elle pénétra dans une pièce d’environ 50 m2. Pénétrer n’est pas le bon mot. Parce qu’en fait on ne pouvait pas avancer. Du seuil de la porte elle braqua le faisceau lumineux de sa lampe torche sur un enchevêtrement de châssis, de cadres, de planches et d’objets religieux divers à peine discernables.
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« C’est là ! » dit-elle simplement ».Je ne sais pas ce que vous faites en pareil occasion, mais moi, là, j’avais juste envie de pleurer. Je me suis tourné vers la brave dame et je lui dis, en essayant de mettre le moins de désarroi possible dans ma voix :
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« Et je fais comment ? » Elle a esquissé un sourire compatissant et d’un mouvement de la main elle répondit très gentiment :
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« Vous, je sais pas. Mais moi, rien. J’ai une ordonnance du médecin qui m’interdit de soulever le moindre poids » Lorsqu’elle retourna la lampe vers elle, j’aperçu l’attelle qui enserrait son poignet gauche. D’une voix pleine de compassion elle ajouta :
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« Bon, je vois bien que vous êtes embarrassé. Je retourne au secrétariat et je vous envoi André dans un quart d’heure. »Alors, en attendant André, j’ai fait ce que j’ai pu. C'est-à-dire pas grand-chose. Un pas grand-chose qui m’a quand même noirci de la tête au pied. Lorsqu’il est arrivé je tentais le tout pour le tout, un vrai coup de poker, et lui demandais s’il n’y avait pas la possibilité d’avoir une rallonge électrique.
André n’a d’abord rien dit. En fait il n’a pas bougé. Pendant près d’une minute. Puis il a levé un bras, soulevé sa casquette d’une main puis s’est gratté la tête de l’autre. Il a ensuite émis une sorte de sifflement et a quitté prestement la pièce. Au bout d’un certain temps il est revenu le visage radieux et dit avec un sourire vainqueur :
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« J’ai ce qu’il vous faut. Venez. Suivez-moi ».En entrant dans la pièce voisine, je n’étais pas dépaysé. Les mêmes trous, les mêmes murs effrités, la même foire fouille. En plus lumineux. Emergeant du sol à travers le plancher éventré, une rallonge électrique. A l’extrémité, cinq multiprises. Toutes déjà occupées.
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« Et je débranche laquelle ? » hasardais-je.
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« Boudiu ! Vous m’en posez une question ! J’en sais fichtre rien. D’autant qu’y a toute la déco de Noël sur ce fichu machin ».En examinant plus attentivement le plat de spaghettis formé par les fils électrique, je remarquais effectivement des séries d’ampoules allumées qui traversaient joyeusement la fenêtre du fond pour investir l’ensemble de la façade principale de la mairie.
Là je dois dire qu’Indiana a pris un p’tit coup au moral. Je remerciais André et avant de retourner à ma dernière croisade lui demandais :
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« Dernière chose : il y a indiqué sur la demande devis, deux tableaux. Où est le second ? ».-
« A ça, je sais ! » répondit fièrement André.
« Vos collègues ont posés la même question l’autre jour. C’est celui –là ».Ce faisant il me désigna, posé sur un empilement de caisses, un petit tableau représentant « Saint Antoine de Padoue ». Celui-là même que l’on invoque pour retrouver …les objets perdus.