L’ACRMP, association des conservateurs-restaurateurs de Midi-Pyrénées, est née d’une crise. Voici plusieurs mois que nos membres, 32 restaurateurs d’objets d’art répartis en 24 ateliers essayent d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la désastreuse situation des conservateurs-restaurateurs installés en province. En effet nous avons assisté impuissants à la diminution en trois ans (période 2002 - 2005) de plus de la moitié du budget consacré à la restauration des objets mobiliers tant inscrits que classés au titre de l’inventaire. Or, malgré nos actions lors des dernières Journées du Patrimoine et deux rencontres avec le DRAC de région, la situation semble encore se dégrader. Après un budget 2005 jugé « calamiteux » par notre DRAC lui-même, ce dernier vient de nous annoncer que les crédits prévus pour la programmation 2006 pour le secteur patrimoine seront de 1,75 millions d’euros contre 4,8 millions en 2005 ! La région Midi-Pyrénées disposera de seulement 146 984 € de l’Etat pour traiter les quarante-trois chantiers prévus en objets mobiliers. Et encore cette promesse de subvention reste, à l’heure actuelle, lettre morte puisque la programmation 2006 a déjà été refusée à deux reprises par le Trésorier Payeur Général de notre région.
Comment en est-on arrivé là ? Comment expliquer qu’une profession jusque là en plein essor, composée presque exclusivement de jeunes diplômés et d’artisans d’art, connaisse aujourd’hui de telles difficultés économiques ? Il semble qu’ici, comme dans de nombreux autres secteurs, l’Etat ait choisi de se désengager sans autre forme de concertation. Après une politique volontariste de formation puis de décentralisation (voir annexes jointes) l’Etat abandonne les acteurs du patrimoine sans aucune politique de substitution. Les différents partenaires (associations, communes, départements, région) voient l’ensemble des chantiers programmés à la restauration bloqués faute de subventions. Pour la seule région Midi-Pyrénées, c’est près de 450 000 € de travaux prévus qui restent en suspens (voir annexe programmation 2006).
Cette situation est inquiétante à double titre. Tout d’abord par son caractère général : les contacts pris auprès de nos collègues des autres régions nous montrent que cette pénurie financière touche l’ensemble du territoire national. La réponse faite par l’Association des Conservateurs des Monuments Historiques au cours de nos entretiens ne laisse aucun doute. Par ailleurs ce désengagement de l’Etat s’accompagne déjà de dispositions législatives puisque depuis le 1er janvier 2006 la maîtrise d’ouvrage sur le patrimoine protégé est transférée au propriétaire ou affectataire.
Ensuite par les orientations choisies par le Ministère de la Culture : si ses crédits apparaissent constants (voire en légère progression de 4,5 % par rapport à 2006), l’Etat semble privilégier de plus en plus les grands travaux (type Musée du quai Branly) au détriment d’actions plus locales. C’est pourquoi nous pensons qu’il est temps d’imaginer une autre politique et certainement d’autres partenariats pour le patrimoine mobilier. L’instabilité des crédits d’Etat (le budget alloué au patrimoine mobilier pour notre région est passé de 395 000 € en 1999 à 146 984 € en 2006), les lenteurs administratives et les reports d’attributions de plus en plus fréquents mettent en péril à la fois la conservation de notre patrimoine et l’activité économique de nos entreprises. Car dans un secteur de plus en plus concurrentiel c’est non seulement de jeunes entreprises qui sont en danger mais aussi de nombreux emplois indirects qui sont menacés (voir annexe rétrocession). D’une année sur l’autre l’amplitude des variations des crédits d’Etat est telle (voir annexe) que les ateliers, même lors des années fastes, sont dans l’incapacité d’embaucher faute de lisibilité à long terme.
Cette crise est peut-être l’occasion d’imaginer une autre politique patrimoniale, de reconsidérer l’impact culturel, économique et identitaire (notamment pour les zones rurales) des restaurations d’objet d’art. C’est aussi la possibilité de mieux repenser les enjeux de l’économie patrimoniale et du développement local à l’intérieur d’un système de financement où la diminution voire l’absence de crédits alloués par l’Etat pénalise en premier lieu les petites ou moyennes collectivités (voir annexe programmation 2006). Cette réflexion nouvelle pourrait prendre en compte la nécessaire proximité des acteurs afin de rationaliser les coûts et les délais mais aussi rendre mieux lisible les interventions de restaurations auprès du public (publications, manifestations, médiatisation...). Elle pourrait ainsi mieux justifier une dépense publique parfois mal comprise et assurer une bonne et intelligente maintenance d’un patrimoine qui, ne l’oublions pas, est d’abord le nôtre.