Voici le printemps, ses jolies fleurs dans les champs et les jeunes stagiaires de classe de 3éme.
Je vous présente Camille. Elle est là; devant moi, moi devant elle, qui est le plus intimidé ?
Que lui donner à faire qui ne la fasse pas tomber dans un abîme d’ennui, comment ne pas la dégoûter définitivement de la peinture ?
Lui faire nettoyer les pinceaux ? Ils sont déjà propres. Lui demander de relancer au téléphone tous les conservateurs de la région ? Je n’ose. Et dire que je viens de finir de gratter douze mètres carrés de colle de pâte au revers d’une toile. Oh misère !
Enfin une idée et comme je suis bon camarade je la partage car comme dis le dicton Lyonnais : « stagiaire en été, ragots toute l’année », non pas celui-ci, l’autre : « ne te moques pas du stagiaire de ton collègue, tu pourrais en avoir un l’année prochaine ».
L’idée est de faire un montage très simple pour mesurer la tension développée au séchage par quelques papiers utilisés en restauration.
Le principe de cette manip est globalement identique à celui décrit dans l’article de
Josée Delsaut et Roseline Durand : Mesure de la force de rétraction des papiers, CRBC 1989, p 64-66 1.
Le dispositif comporte des éléments de récupération trouvés dans l’atelier :
- une planche de bois de 80 X 15 cm.
- une équerre métallique.
- Un morceau de tige filetée avec un écrou, diamètre 4 ou 6 mm.
- Un ressort du type de ceux des lampes d’architecte (dynamomètre du pauvre).
- Une tige de métal d’une longueur de 10 cm et de diamètre 2 ou 3 cm.
- Un peu de Béva film.
- Des bouts de tasseaux.
- Un timer.
L’équerre est fixée en haut de la planche, la vis la traverse. L’écrou servira pour le réglage de la tension au début de chaque mesure. Une boucle du ressort est passée dans un trou percé à l’extrémité de la vis.
La tige métallique est coincée dans un morceau d’in tissé fort, replié sur lui-même et collé à la Béva. La seconde boucle du ressort vient accrocher la tige.
En bas de la planche, deux morceaux de bois maintenus avec un serre joint feront office d’étau pour l’éprouvette.
Les éprouvettes mesurent 10 x 50 cm, leur plus grande dimension est découpée dans le sens travers. L’une des extrémités du papier est pris dans l’étau, l’autre collée sur l’in tissé avec de la Béva.
Avant de tester les papiers, il convient de tarer le ressort. Pour cela nous avons accroché une bouteille d’eau en plastique au ressort et progressivement rempli la bouteille de 50 en 50 ml d’eau et mesuré l’allongement respectif du ressort sur une règle collée à la planche.
La raideur du ressort s’est montrée régulière dans la plage de mesure prévue, entre 0 et 500 g.
Voici deux images pour illustrer l'étalonnage du ressort de ce ban de tests que le C2RMF nous envie et Camille occupée à relever les données de tension du papier bulle.
A tour de rôle, les éprouvettes sont fixées sur l’étau et l’in tissé. Une longueur de 50 cm est laissée libre, puis humidifiée. Après quelques minutes, l’eau en excès est essuyé et l’allongement du papier mesuré.
L’allongement relatif représente le rapport entre l’allongement mesuré (déformation) et la dimension initiale de l’éprouvette.
Ce qui s’exprime sous la forme :
E =
dimension du papier mouillé – dimension papier sec dimension papier sec
Ou : E (en pourcentage) =
L-L0 x 100
L0
Les valeurs obtenues sont pour les différents papiers lors de nos essais sont :
E du papier Kraft : 2%
E du papier bulle 125g : 2,6%
E du papier « Bolloré »NH 12 SD : 5%
E du papier « Bolloré » NH 22 SD : 6%
(Le forum a refusé le caractère de police utilisée pour l'allongement relatif et l'a remplacer par un E, à ne pas confondre avec le caractère habituellement pris pour le module d'élasticité)
L’éprouvette humidifiée est placée sur le « ban de test » et le ressort est taré de façon à exercer la traction la plus faible possible. C’est l’opération la plus délicate.
Le séchage du papier est accéléré par des lampes infra rouge. La température enregistrée en surface est de 35°C.
Les mesures sont notées.
Les points de mesure sont réalisés toutes les deux minutes, quand la tension du papier débute. La rétraction de l'éprouvette est relevée sur une règle graduée fixée en face du ressort. Un petit bout de film plastique coincé entre deux spires du ressort permet une lecture précise sur la règle.
Pour tous les papiers, une tension maximale est atteinte. Après un palier de quelques minutes, les lampes infarouge sont éteintes et la tension diminue légèrement sous l’effet d’une reprise d’humidité ambiante. C’est cette tension qui est alors enregistrée.
Ce séchage est certes artificiel et peut influencer les valeurs des tensions enregistrées mais il est proche des conditions d’un refixage avec passage d’une spatule chauffante ou d’un fer.
Les tensions de rétraction des papiers obtenues lors de nos essais sont les suivantes :
Tension du papier Kraft : 17 N/m
Tension du papier bulle 125g : 31 N/m
Tension du papier NH 12 SD : 13 N/m
Tension du papier NH 22 SD : 17 N/m
Les données recueillies sont reportées sur le graphique ci-dessous.
Ces tests simples révèlent des résultats parfois différents de ceux obtenus par Josée Delsaut et Roseline Durand.
Nous trouvons ainsi un allongement relatif de 6% pour le NH 22, contre seulement 2,77% pour le Bolloré de 24g 2 dans l’article du CRBC.
Cette différence peut résulter de la manière d’humidifier le papier (si les papiers sont les mêmes).
Josée Delsaut et Roseline Durand avaient « détrempé recto verso avec un pinceau » les éprouvettes. Nous avons opéré selon le même principe mais en étirant légèrement le papier, ce qui ce rapproche du geste fait lors de la pose d’un cartonnage sur une peinture et nous a donné un allongement relatif de 6%.
Nous avons donc testé une seconde éprouvette de NH 22 mais en modifiant l’humidification du papier. Cette fois l’éprouvette est juste trempée dans l’eau puis laissée à plat quelques minutes pour lui permettre de se relaxer. L’allongement relatif est dans ce cas de 4%.
Pour le papier « Bolloré » NH 12 l’allongement diminue également de 5 à 3,6%
La même expérience faite avec le papier bulle montre que le type d’humidification ne modifie pas son allongement. Le papier bulle est plus résistant que le Bolloré et son allongement résulte du seul gonflement radial de fibres lors de l’absorption de l’humidité sans être influencé par un écartement mécanique des fibres sous l’action du pinceau.
Nous avons comparé les tensions au séchage du NH 22 en fonction de son allongement au mouillage (cf. graphique suivant). Il apparaît clairement que l’éprouvette la plus « étendue » lors du mouillage offre une tension inférieure au séchage.
Ces tests n'ont pas de valeur scientifique, mais ils sont simples à mettre en œuvre et à réaliser pour des stagiaires.
Ils permettent également de vérifier la tension au séchage de certains papiers dont les caractéristiques techniques ne sont pas toujours suivies ou des papier différents vendus sous le même nom.
Notes :
1) Delsaut et Roseline Durand : Mesure de la force de rétraction des papiers,
revue Conservation Restauration des Biens Culturels éditée par l’Association des restaurateurs d’art et d’archéologie de formation universitaire, CRBC 1989, p 64-66.
2) Si le papier utilisé pour les tests est du « Bolloré », sa masse surfacique est alors bien de 22g/m2 et non 24g/m2 comme nous l’on précisé les responsables techniques de l’usine de production.
Fournisseurs :
- papier kraft : Bergerac emballage, 24100 Bergerac
- bulle à dessin, 125g/m2, ref : 52107, papeterie Canson. Ce papier n’est plus référencé dans le catalogue Canson.
- Papier Bolloré : en fait, ce papier produit pour son usage en restauration d’œuvres d’art, n’est plus fabriqué par Bolloré depuis une dizaine d’année et ne devrait plus s’appeler ainsi. L’usine qui continue à produire ce papier s’est appelée « Papeteries de Cascadec » et appartient aujourd’hui au groupe « Glatfelter »
Le papier 22 g/m² utilisé pour ces mesures vient en direct de l’usine, et le papier 12 g/m² provient de CTS France sous le nom de NH 12 SD
Il va falloir remplacer dans nos dossiers la mention « papier Bolloré » par papier Glatfelter 222 L et 212 L, c’est beaucoup moins bling-bling.